Créer une entreprise en parallèle de son job : mode d’emploi

des stats sur la création d'entreprise sur un écran
Sommaire

Tester un projet sans renoncer immédiatement à son salaire est, pour beaucoup, la façon la plus prudente et la plus efficiente d’entreprendre. Le phénomène est massif : la création d’entreprises a atteint un niveau record en 2024 en France, portée notamment par le régime simplifié des micro-entrepreneurs. Pour transformer cette dynamique en parcours réussi, il faut articuler préparation méthodique, choix de statut, prospection anticipée, et calendrier social et juridique bien maîtrisé.

 

Bien préparer son projet avant toute formalité

Valider le besoin avec une étude de marché « terrain »

Avant d’ouvrir votre structure, vérifiez qu’il existe un marché solvable. Combinez : entretiens clients (problèmes, budgets, critères d’achat), analyse des concurrents (offres, prix, cycles de vente), et tests rapides (landing page, liste d’attente, pré-commandes). L’objectif n’est pas l’exhaustivité mais la preuve de traction : quelques signaux d’engagement concrets (demandes de devis, lettres d’intention) valent mieux qu’un « grand » rapport théorique.

Un business model simple, un business plan utile

Sous contrainte de temps (vous êtes salarié), visez le modèle économique le plus lisible possible : une cible prioritaire, une promesse claire, deux canaux d’acquisition maximum au départ. Le business plan doit rester un document de pilotage : objectifs de chiffre d’affaires, marge, seuil de rentabilité, besoins de trésorerie (stock, communication, logiciels), et scénarios d’atterrissage (pessimiste, central, ambitieux). C’est ce plan qui vous permettra de choisir le bon moment pour créer juridiquement et, ensuite, pour quitter votre emploi.

Mettre en place l’hygiène financière

Ouvrez dès que possible un compte dédié à l’activité (même avant immatriculation via une solution « pro » en pré-création si disponible), segmentez vos dépenses, et projetez votre cash-runway (combien de mois de trésorerie de sécurité). Cette hygiène simplifie la demande d’aides (ACRE, ARE/ARCE), l’accès à un prêt d’honneur, ou à un financement Bpifrance.

 

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Commencer à prospecter avant d’ouvrir

Pipeline d’opportunités et offres « zéro friction »

Créez un pipeline léger dans un tableur ou un CRM simple. Passez rapidement d’un « intérêt » à une preuve d’achat : bon de commande, pré-paiement, ou lettre d’intention. Proposez une offre « MVP » (minimum viable product) : courte, focalisée, avec un délai de livraison clair et, si possible, un premier résultat mesurable.

Facturer avant d’avoir sa propre entreprise : les options légales

Si vous devez encaisser des prestations test sans immatriculation immédiate, deux cadres permettent de facturer légalement :

  • Portage salarial : vous signez un contrat de travail avec une société de portage qui facture vos clients. Vous êtes assimilé salarié, couvert socialement, et vous vous concentrez sur la prospection.
  • Contrat d’appui au projet d’entreprise (CAPE) en CAE : vous devenez entrepreneur-salarié d’une coopérative, utilisez son SIRET, et testez la viabilité de votre activité avec accompagnement et cadre social.

Ces solutions sont pensées pour « tester » sans créer trop tôt une structure inadaptée. Elles évitent les pratiques risquées de facturation « à titre personnel » hors cadre.

 

Choisir le bon statut pour démarrer

Micro-entreprise : simplicité d’entrée

La micro-entreprise reste la rampe de lancement la plus simple : création rapide, obligations comptables limitées et paiement des cotisations au pourcentage du chiffre d’affaires. Attention toutefois aux plafonds de chiffre d’affaires, au passage à la TVA si vous dépassez les seuils de franchise, et à la couverture sociale (maladie, retraite) proportionnelle à votre activité déclarée.

SASU ou EURL : investir, se verser un salaire, protéger

Si vous anticipez des montants plus élevés, des investissements ou une équipe, la SASU (président assimilé salarié) ou l’EURL (gérant TNS) offrent davantage de crédibilité bancaire et de souplesse capitalistique. Le choix dépend du coût social, de la protection sociale visée, et de votre stratégie (dividendes, revente, entrée d’associés). Rien n’empêche de commencer en micro puis de basculer en société quand le modèle est prouvé.

 

Cumuler salariat et entrepreneuriat : ce qu’il faut impérativement vérifier

Clause d’exclusivité, loyauté et non-concurrence

Votre contrat de travail peut contenir une clause d’exclusivité qui interdit toute autre activité ; selon la loi, elle peut être temporairement levée (ou suspendue) pour la création/reprise d’entreprise. Même sans clause, le devoir de loyauté s’applique : pas d’utilisation des ressources de l’employeur, pas de dénigrement, pas de démarchage des clients de votre entreprise actuelle s’il y a risque de concurrence déloyale. La clause de non-concurrence, elle, produit ses effets après la rupture du contrat et doit être limitée (temps/espace/activité) et indemnisée.

Congé ou temps partiel pour création

Avec une ancienneté minimale, vous pouvez demander un congé pour création ou reprise d’entreprise (ou un passage à temps partiel), pour une durée définie par votre convention, souvent un an renouvelable une fois. Cela sécurise du temps pour lancer, sans rompre le contrat de travail.

 

Créer l’entreprise au bon moment

Des jalons concrets plutôt qu’une date « symbolique »

Créez juridiquement quand l’un des déclencheurs objectifs survient : un premier contrat signé (avec échéancier), un pipeline prévisible (par exemple trois mois de CA quasi acquis), la nécessité d’une assurance professionnelle ou d’un numéro de TVA, ou encore l’éligibilité à une aide qui exige l’immatriculation (ACRE, ARCE). Évitez de créer trop tôt pour ne pas « griller » des dispositifs ou afficher un chiffre d’affaires trop faible la première année.

Aides à la création : ACRE, ARE ou ARCE ?

ACRE : exonération partielle de cotisations la première année sous conditions (créateurs/repreneurs, contrôle effectif de l’entreprise, etc.).

ARE maintenue : si vous devenez demandeur d’emploi avant de lancer votre activité, vous pouvez, sous conditions, cumuler une partie de l’allocation chômage avec vos revenus non salariés (dans une limite désormais plafonnée par la réglementation récente). C’est la solution la plus sécurisante si votre activité met du temps à monter en puissance.

ARCE : vous transformez une partie (60 %) de vos droits ARE restants en capital, versé en deux fois (début d’activité puis 6 mois après, sous conditions). L’ARCE aide à financer un démarrage (site, matériel, communication), mais vous renoncez au versement mensuel de l’ARE.

Le choix dépend de votre profil de trésorerie : si votre cycle de vente est long et votre prévisionnel incertain, le maintien partiel de l’ARE rassure ; si vous avez des commandes fermes ou des investissements immédiats, l’ARCE peut accélérer.

 

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Quitter votre job au bon moment

Seuils financiers et trajectoire

Avant de couper le cordon, visez au minimum : 3 à 6 mois de trésorerie (charges fixes et rémunération personnelle), un pipe solide (devis acceptés, acomptes), et une courbe d’acquisition répétable (canaux qui délivrent à coût maîtrisé). C’est la meilleure assurance contre la pression de court terme qui dégrade la qualité des décisions.

Rupture conventionnelle, chômage et calendrier des aides

Si votre employeur l’accepte, la rupture conventionnelle peut ouvrir des droits à l’ARE après un délai, à articuler avec votre calendrier de création. Assurez-vous de comprendre les règles de cumul (ARE + revenus non salariés) et les modalités ARCE (60 % des droits restants, 2 versements), qui ont évolué en 2025. L’essentiel est d’arrimer votre départ à l’aide la plus cohérente avec votre modèle de revenus.

 

Checklist « prête à l’emploi »

  • Idée validée : 10 entretiens clients, 1 offre « MVP », premiers signaux d’achat.
  • Business plan éclair : objectif trimestriel, marge cible, besoins de trésorerie, scénarios.
  • Cadre juridique : micro (démarrage), SASU/EURL (investissements/associés), ou portage/CAPE pour tester.
  • Salariat : vérifier exclusivité, loyauté, et envisager congé/temps partiel.
  • Aides : éligibilité ACRE, arbitrage ARE vs ARCE, calendrier de création.
  • Moment de création : 1er contrat + pipeline 3 mois / besoin TVA ou assurance / accès à une aide.
  • Moment de départ : 3–6 mois de trésorerie, process d’acquisition répété, visibilité commerciale.

 

En résumé

L’entrepreneuriat « en parallèle » n’est ni un pis-aller ni une demi-mesure : c’est une démarche professionnelle qui exige rigueur, transparence vis-à-vis de l’employeur et pilotage financier. Testez tôt (portage, CAPE), créez au bon moment (contrats, aides), puis quittez votre job lorsque les chiffres, pas l’enthousiasme, vous disent que le modèle est prêt.

 

Sources officielles (liens)

  • INSEE – Créations d’entreprises : bilan 2024 (niveau record).
  • URSSAF – ACRE : conditions et principe d’exonération.
  • URSSAF – Actualités des taux de cotisations des auto-entrepreneurs (référentiel 2024-2025).
  • Service-public (Entreprendre) – Cumuler emploi salarié et micro-entreprise : cadre et limites (exclusivité, temps partiel).
  • Service-public – Congé pour création ou reprise d’entreprise : conditions et durée.
  • Ministère du Travail – Portage salarial : définition et cadre légal.
  • Service-public (Entreprendre) – Portage salarial : modalités pratiques.
  • Service-public (Entreprendre) – Contrat d’appui au projet d’entreprise (CAPE) en CAE.
  • Ministère de l’Économie – Cumul emploi salarié / micro-entreprise : principes.
  • France Travail – ARCE (aide à la reprise ou création) : montant (60 %), conditions et nouveautés 2025.
  • Service-public (Entreprendre) – ARCE : modalités de versement (deux échéances).
  • Unédic – Cumul ARE / revenus non salariés : plafonnement 2025 et fiches règles.

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